• <o:p></o:p>Les affrontements en cours dans ce pays d'Afrique centrale n'ont rien de nouveau. Les acteurs de cette tragédie, qui dure depuis plus de vingt ans, sont les mêmes, explique le Daily Nation de Nairobi.<o:p></o:p>

    L'histoire récente du Tchad ressemble à un remake permanent d'un vieux film, toujours le même, où l'on voit des autocrates aux prises avec des opposants armés dans une lutte à mort pour le pouvoir, avec la complicité d'interventions étrangères qui en accroissent la complexité, sans oublier des scènes de civils fuyant les zones de combat.<o:p></o:p>

    Cette fois encore, "l'opposition armée", comme elle se définit, ou les "rebelles", selon N'Djamena, a déclenché une série d'attaques dans plusieurs villes de l'est du pays. Quelle que soit la conclusion de cette nouvelle flambée de violence, tout cela doit sembler presque banal au président tchadien Idriss Déby, acteur de ce conflit sans fin et présent au cœur du système depuis plus de vingt ans (dans un camp ou dans l'autre). Mais peut-on vraiment s'habituer à la violence et à la guerre ?<o:p></o:p>

    "Une fois encore, la nation fait face à des temps difficiles dus aux attaques permanentes menées par le Soudan contre notre peuple", a déclaré un Déby soucieux dans un message diffusé par la télévision d'Etat lundi dernier. Or ses accusations contre le Soudan n'ont rien de nouveau.<o:p></o:p>

    Il y a quatre mois à peine, le président Déby disait la même chose, quand les mêmes groupes armés avaient failli s'emparer de N'Djamena avant que leur offensive ne soit arrêtée par une intervention française qui a sauvé le régime. A vrai dire, les deux pays jouent à ce jeu des accusations et des contre-accusations depuis des années, et le dernier accord de paix, conclu le 13 mars entre leurs dirigeants, n'y a rien changé.<o:p></o:p>

    Mais la trêve a été de courte durée. Dès le début du mois de mai, le gouvernement soudanais a accusé le Tchad d'être derrière l'attaque de "rebelles" du Darfour sur Khartoum. Le Soudan, qui, selon Déby, aurait commencé à intervenir dans son pays à partir de 2003, à l'époque où la crise du Darfour atteignait son paroxysme, n'est que l'une des nombreuses forces extérieures qui contribuent à faire du conflit tchadien un imbroglio indémêlable.<o:p></o:p>

    <st1:personname w:st="on" productid="La France">La France</st1:personname>, l'ancienne puissance coloniale, a également toujours été impliquée dans la politique à N'Djamena. Paris a été le principal moteur du déploiement d'une force européenne (EUFOR) dans le pays, probablement dans l'espoir de parer ses propres interventions, parfois sévèrement critiquées, d'un vernis plus "neutre".<o:p></o:p>

    La neutralité de l'EUFOR et son efficacité sont désormais remises en cause par le président Déby en personne, qui, à l'origine, l'avait bien accueillie. Cette force, déployée au Tchad et en République centrafricaine par l'Union européenne, se retrouve dans une zone de conflit où toute intervention ou action cohérente est d'autant plus difficile que les frontières sont poreuses, que des groupes ethniques de différents pays sont associés dans des alliances locales et que des milliers de réfugiés et de déplacés sont éparpillés dans la région.<o:p></o:p>

    "Nous sommes effectivement surpris de constater que, dès les premiers signes d'hostilité, cette force coopère avec les envahisseurs, leur prête des véhicules humanitaires, les laisse incendier les vivres et les réserves de carburant et ferme les yeux sur le massacre planifié de civils et de réfugiés", a lancé Idriss Déby, sans cacher sa déception, dans son message du 16 juin adressé à la nation tchadienne. Puis il a remis en question "l'efficacité et l'utilité de la présence de la force européenne au Tchad".<o:p></o:p>

    Peut-être que le président Déby a d'autres raisons de s'inquiéter. Car dans l'intervalle, bouclant une visite à Abidjan, le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, a affirmé que, cette fois, les troupes françaises n'interviendraient pas en faveur du régime de N'Djamena. "<st1:personname w:st="on" productid="La France">La France</st1:personname> n'est pas intervenue (dans les dernières attaques) et n'interviendra plus" au Tchad, a déclaré Kouchner à des journalistes lors d'une conférence de presse. Pour dire les choses plus clairement, il a ajouté qu'"il n'y a pas de positions françaises à défendre et que l'EUFOR est commandée par un général irlandais".<o:p></o:p>

    Par ailleurs, l'Alliance nationale, responsable de la nouvelle offensive, a appelé les autorités françaises à "respecter" la déclaration de Kouchner. L'Alliance nationale, dirigée par le général Mahamat Nouri, ancien ministre de Déby, est une organisation rassemblant quatre groupes armés.<o:p></o:p>

    Pour tous ces mouvements armés, la neutralité de <st1:personname w:st="on" productid="La France">la France</st1:personname> est plus qu'essentielle. C'est avant tout pour cette raison qu'ils ont exprimé l'espoir que la position officiellement proclamée de Kouchner soit le reflet d'un changement dans la politique française.<o:p></o:p>

    Daily Nation : Hamadou Tidiane Sy<o:p></o:p>

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    Tchadiennes, Tchadiens

     

    La Nation traverse, une fois de plus, une dure épreuve due à la permanente agression du Soudan contre notre peuple. Malgré les intentions génocidaires de nos ennemis et la campagne médiatique développée pour les soutenir, je félicite chacun et chacune de vous du calme dont vous faites preuve depuis le déclenchement de cette énième invasion. Je salue votre sérénité et votre courage, car au fil des agressions, les Tchadiens ont appris à compter sur eux-mêmes et ont compris qu’eux seuls peuvent se défendre et défendre leur cher pays.

     

    Combien de fois nous avons repoussé les attaques soudanaises dont la puissance est allée grandissante. Dès 2003, prolongeant chez nous le génocide organisé contre les populations du Darfour, les milices Djandjawid ont brûlé nos villages, pillé notre bétail et nos récoltes, détruit nos infrastructures sociales, transformé nos compatriotes de l’Est en réfugiés dans leur propre pays.  Nous avons régulièrement tenu informées l’opinion et les organisations internationales. Certains ont versé des larmes de crocodile, quelques voix ont condamné timidement, mais le Soudan n’a rencontré aucun obstacle dans sa politique de destruction du Tchad.

     

    A chaque acte d’agression, la communauté internationale se complaît à nous renvoyer dos à dos avec notre agresseur et à jouer les prolongations, de réunion en réunion, ce qui encourage le Soudan dans son œuvre hégémonique contre le Tchad.

     

    Le Tchad continue de supporter seul la violence de l’agression, le fardeau économique de cette politique de terre brûlée et l’accueil des centaines de milliers de réfugiés, en plus de ses déplacés nationaux. La faible assistance arrivée au profit des réfugiés contribue elle-même au déséquilibre de notre économie locale.

     

    Depuis le 11 juin 2008, l’agression en cours dans notre pays procède de la même logique que les attaques précédentes. Elle est cependant doublée cette fois-ci d’une intention vicieuse de destruction économique et morale. Depuis près d’une semaine, des colonnes à bord de véhicules tout terrain sillonnent la brousse de l’Est, par les mêmes chemins empruntés il y a peu par les Djandjawid et les mercenaires. Ces colonnes motorisées évitent bien sûr les camps militaires, pour s’en prendre uniquement aux localités isolées et dépourvues de garnisons militaires. A la suite de leur passage dans ces localités, les envahisseurs inondent de communiqués faussement triomphateurs sur les ondes de certains médias étrangers complaisants. Mais ces mensonges prendront fin bientôt.

     

    Tchadiennes, Tchadiens

     

    A la suite de nos nombreux appels adressés à la communauté internationale, nous avons accueilli avec joie la force de l’EUFOR chargée de sécuriser les populations réfugiées, déplacées et les humanitaires. Mais quel ne fut notre surprise de voir dès la première épreuve hostile cette force coopérer plutôt avec les envahisseurs, laissant emporter les véhicules des humanitaires, incendier leurs stocks de vivres et de carburant et fermant les yeux devant le massacre programmé des populations civiles et des réfugiés. Oui, mes chers compatriotes, nous sommes en droit de nous interroger sur l’efficacité de cette force de l’utilité de sa présence au Tchad.

     

    Mais nous savons depuis 2003 que notre pays est l’objet d’un complot international visant à le replonger dans la guerre civile. Le but de notre ennemi, le Soudan, est la destruction du Tchad, comme l’ont démontré ses agents qui ont envahi N’Djaména les 1er et 2 février dernier. Le spectacle de désolation offert par ces barbares des temps modernes n’a d’égale que leur furie à vouloir imposer au Tchad et aux Tchadiens de nouveaux modes de vie et nouvelles manières de penser inconnus de notre peuple traditionnellement tolérant. Le pillage des archives constitutives de la mémoire de notre administration, la destruction des symboles de l’Etat républicain que sont la justice et le parlement font partie de ces crimes dont les stigmates sont encore vivaces dans notre esprit.

     

    Mais, comme je l’ai noté, notre attachement à  l’indépendance et notre sursaut national seront toujours nos meilleures armes pour mettre en échec ce complot. J’ai confiance en la capacité des Tchadiens à repousser tous les agresseurs et leurs mercenaires, mais que ceux qui financent cette machine de destruction contre le Tchad sachent surtout qu’ils le paieront cher.

     

    Tchadiennes, Tchadiens

     

    Debout, comme un seul homme, quelle que soit notre appartenance régionale, religieuse ou autre, nous devons faire bloc autour de nos institutions pour bouter l’agression hors de notre territoire. Dans ce combat, évidemment, nos forces armées et de sécurité sont engagées avec toute leur énergie. Il s’agit d’un défi important que notre chère patrie doit relever à tout prix pour aspirer à la paix et à un avenir meilleur.

     

    Trop de larmes ont été versées, trop de sang a coulé, trop de vies ont été perdues sans que la communauté africaine et internationale s’en émeuve. Nous savons que nous devons compter uniquement sur nous-mêmes. Le Tchad est en droit de mettre tous les moyens à sa disposition pour faire face à l’agresseur.

     

    La victoire est certaine

    Vive la République

    Vive le Tchad


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    Par Achille Mbembe <o:p></o:p>

    Il n'est pas certain que l'extrême personnalisation du conflit et la diabolisation de l'un des principaux protagonistes - Robert Mugabe en l'occurrence - aient aidé en quoi que ce soit à clarifier les enjeux de la lutte sociale et politique en cours au Zimbabwe. <o:p></o:p>

    D'une part, en faisant de cet autocrate un monstre absolu et le parangon de l'irrationalité, on se prive des moyens d'expliquer comment, pendant les quinze premières années de son règne, il est parvenu à bâtir un pays relativement moderne, doté d'infrastructures viables et d'une économie sans doute insuffisamment diversifiée, mais à plusieurs égards productive. On fait également l'impasse sur le fait qu'au cours de cette période, il a assuré à une bonne partie de ses citoyens un minimum de sécurité sociale.<o:p></o:p>

    Au passage, le Zimbabwe a enregistré d'importants progrès en matière de scolarisation et de santé, fructifiant ainsi son capital humain et portant celui-ci à des niveaux que n'avait jamais atteint le régime colonial. D'autre part, en faisant comme si Mugabe était à lui tout seul la cause de tous les malheurs du Zimbabwe, on oublie que jusqu'à la fin des années 1990, son pouvoir reposait sur une base sociale relativement élargie. Il bénéficiait en effet du soutien actif de groupes d'intérêt et d'une caste passablement bien organisée, bien représentée au sein de l'appareil d'État, de l'armée, de la bureaucratie et dans les entreprises en particulier, et profondément enracinée dans la société. Contrôlé par le parti dominant (Zanu-Pf), l'État décidait des avantages et des exemptions, accordait des faveurs, distribuait des subsides et garantissait la transmission des avantages acquis. En contrepartie des possibilités d'ascension sociale, de mobilité professionnelle et d'accumulation des richesses, cette constellation d'intérêts toléra plus ou moins, au cours de la même période, un modèle d'assujettissement fait de répression policière, de paternalisme et d'accommodement négocié. Auréolé de la légitimité forgée au cours de la lutte contre le régime raciste et minoritaire d’Ian Smith, Mugabe était parvenu par ailleurs à instiller au sein de la population zimbabwéenne une sensibilité et une fierté patriotique, nationaliste et anticolonialiste. <o:p></o:p>

    Les affiliations partisanes nonobstant, cette sensibilité fait désormais partie intégrante de la culture politique de ce pays et contribue à en façonner l'identité sur la longue durée. Par assentiment, par peur ou par habitude, la contrainte avait été peu à peu internalisée même si la dissidence en tant que telle n'avait jamais été totalement étouffée. Dans les zones rurales, l'éthos du pouvoir était plus ou moins partagé par la population, et la répression, virtuelle, occasionnelle ou récurrente, n'explique pas à elle seule les formes d'adhésion culturelle dont bénéficia ce projet de domination. <o:p></o:p>

    Du reste, c'est la combinaison de ces facteurs qui explique qu'après 28 ans au pouvoir et malgré la défection de certains de ses soutiens historiques (syndicats, classes moyennes désormais appauvries, jeunes sans emploi des bidonvilles et cadres frappés par la clochardisation), Mugabe commande encore aujourd'hui près de 43% des suffrages, soit un peu moins de la moitié de la population en âge de voter. Le mélange d'hystérie et d'hypocrisie qui, à l'intérieur et hors du Continent accompagne la tourmente en cours ne contribue qu'à obscurcir davantage encore ce qui, n'eut été l'ampleur des souffrances inutiles endurées par la population et notamment par les plus démunis, ne serait qu'une banale crise d'une dictature essoufflée, dont la perversité n'a d'égale que la sénilité. <o:p></o:p>

    Après tout, la manière dont Mugabe aura colonisé la société zimbabwéenne et exercé le pouvoir depuis 1981 est loin d'être unique dans les annales des satrapies africaines. Si l'on écarte les massacres perpétrés dans le Matabeleland au début des années 1980 et qui, de l'avis de nombreux observateurs, vaudraient sans doute un passage devant le Tribunal Pénal de <st1:personname w:st="on" productid="la Haye">la Haye</st1:personname>, il est responsable de bien moins de morts que de nombreux autres tyrans africains. Après tout, les coresponsables du génocide au Rwanda et les seigneurs des guerres d'Angola, du Mozambique, du Darfour, d'Éthiopie et d'Érythrée, du Burundi, d'Ouganda, de l'Est du Congo Démocratique, de <st1:personname w:st="on" productid="la Sierra Leone">la Sierra Leone</st1:personname> ou de <st1:personname w:st="on" productid="la Somalie">la Somalie</st1:personname> portent bien sur leurs têtes - calcul macabre s'il en était - au minimum deux ou trois bons millions de victimes directes et indirectes. <o:p></o:p>

    La plupart jouissent pourtant d'une totale impunité et les chances de les assigner un jour en justice sont quasi-inexistantes. Sur un autre plan, Mugabe n'est pas le seul tyran sénile à vouloir, par tous les moyens, rester au pouvoir jusqu'à sa mort. Qu'il s'agisse de Paul Biya (Cameroun), Omar Bongo (Gabon), Idriss Deby (Tchad), Eduardo dos Santos (Angola), Denis Sassou Nguesso (Congo), Lansana Conté (Guinée), Ben Ali (Tunisie), Yahya Jammeh (Gambie), Hosni Mubarak (Égypte), Muammar Gaddaffi (Lybie), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Yoweri Museveni (Ouganda), Meles Zenawi (Éthiopie), Paul Kagame (Rwanda) ou Teodoro Obiang Nguema (Guinée Équatoriale), la durée au pouvoir de nombreux autocrates africains varie entre 20 et 40 ans. <o:p></o:p>

    La possibilité de renverser par la voie électorale les régimes établis n'existant pratiquement pas, seule la mort du despote sous sa forme naturelle (maladie) ou criminelle (meurtre, assassinat) est susceptible de mettre un terme (et encore) à la tyrannie. Finalement, en matière de " bonne gouvernance", le Zimbabwe n'est pas le seul pays africain à avoir fait l'expérience de fraudes électorales. Dans la plupart des pays francophones par exemple, la corruption électorale et la brutalité politique constituent, depuis l'époque coloniale, des rouages essentiels du maintien au pouvoir. Par ailleurs, en dépit de la confiscation de propriétés redistribuées ensuite aux hommes de main du régime, la fortune personnelle de Mugabe est de très loin inférieure au butin amassé des décennies durant par les kleptocrates du Kenya, du Nigéria, du Gabon, de Guinée ou du Cameroun où la privatisation des ressources publiques, la prédation et la vénalité constituent des modes à part entière de gouvernement. Misères du nationalisme anticolonial Comment se fait-il donc que dans un continent généralement livré au cynisme et à la perversité, cet ancien héros de l'indépendance, symbole d'une certaine idée de l'émancipation africaine, soit tombé si facilement dans la trappe du mépris et de l'opprobre et ait été si prestement désigné pour servir de bouc émissaire aux turpitudes de tous, Africains et non-Africains, alors que ses agissements relèvent de ce qui, ici, a fini par tenir lieu de norme ? Aux yeux de nombreux Africains, l'explication tient en un mot.<o:p></o:p>

    Mugabe est mis à l'index parce qu'il aurait attenté à la propriété des fermiers blancs. Se serait-il limité à brutaliser ses congénères noirs que ses agissements n'auraient suscité aucun cri de haine de la part de ceux qui, aujourd'hui, veulent sa tête sur le plateau d'argent des droits de l'homme et de la démocratie. Mais l'on peut également faire valoir que par-delà l'hypocrisie et le cynisme des nations, la raison principale de son échec tient à la faillite politique et morale d'une certaine idée de l'émancipation africaine héritée des nationalismes anticoloniaux de l'après-guerre. La présence de fortes minorités blanches a marqué d'une empreinte singulière l'expression des nationalismes africains en Afrique australe. Dans cette sous-région caractérisée dès le XVIIIème siècle par l'implantation de colonies de peuplement, des États racistes avaient été mis en place dans la foulée de la conquête européenne.<o:p></o:p>

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    Dans la mise en ?œuvre de cette politique des races, ces États avaient érigé la ségrégation, la cruauté et l'expropriation économique des Africains en autant d'éléments décisifs de leurs modes de gouvernement. Pendant longtemps, l'Afrique du Sud constitua l'emblème paroxystique de cette perversité. Or, de l'idéologie coloniale et raciste, les nationalismes africains ont repris, sur un mode mimétique, deux éléments centraux. D'une part, ils ont adhéré à l'idée alors répandue au long du XIXème siècle selon laquelle la colonisation fut un processus de conquête, d'asservissement et de " civilisation " d'une race par une autre. Au demeurant, la plupart des mouvements armés luttant pour l'indépendance de l'Afrique ont internalisé la fable selon laquelle l'histoire elle-même se ramènerait à un affrontement des races. Dans cette lutte pour la vie, les conflits de race ne se superposeraient pas seulement aux conflits de classe. La race serait la matrice des rapports de classe et, à ce titre, le moteur de la guerre sociale. L'idéologie de la suprématie blanche (dont les nationalismes africains étaient la réponse) partait exactement du même postulat. Au sein des États racistes de l'Afrique australe, les indigènes n'étaient pas des citoyens. Ils étaient des sujets raciaux considérés comme des ennemis tant qu'ils ne se soumettaient pas sans conditions à un ordre politique gouverné par la violence. Politique et violence formaient, dans tous les cas, un seul et même faisceau, une distinction étant cependant établie entre la violence supposée pure des mouvements de résistance et la violence jugée immorale des colonisateurs. Dans le même esprit, les mouvements armés anticoloniaux considéraient que l'ennemi était toujours, par principe, d'une autre race. L'émancipation consistait, quant à elle, à purifier constamment la société de cette autre race, de préférence en inversant radicalement les rapports de propriété et en restituant aux Africains tout ce qu'ils perdirent au moment de l'affrontement initial (terres, traditions, dignité).<o:p></o:p>

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    Déracialisation de la propriété Le deuxième élément que les nationalismes africains empruntèrent à l'idéologie coloniale avait trait à l'identification de la politique et de la guerre. Là où cette conflation de la politique et de la guerre fut poussée jusqu'au bout comme ce fut le cas en Angola et dans une moindre mesure au Mozambique, la conséquence fut la défaite militaire des colons blancs, leur départ massif et l'accaparement de leurs biens par les nouveaux régimes, l'instauration d'États nègres, l'avènement d'une nouvelle classe dominante suivi d'une guerre civile prolongée et opposant cette fois-ci les Noirs entre eux. Dans les cas où en dépit de la lutte armée, les conditions d'une victoire militaire nette ne furent jamais réunies, les mouvements de libération utilisèrent la violence en tant qu'élément complémentaire d'une stratégie de négociation et de compromis foncièrement politique. Au terme de tels compromis, ces États se sont retrouvés avec de substantielles minorités blanches. <o:p></o:p>

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    Défaites sur le plan politique, ces minorités ont néanmoins conservé l'essentiel de leurs biens après la décolonisation. Dans nombre de cas, ces minorités raciales continuent d'exercer une hégémonie culturelle sur la société. Il en est ainsi de l'Afrique du Sud et, dans une bien moindre mesure, de <st1:personname w:st="on" productid="la Namibie">la Namibie</st1:personname> et du Zimbabwe. Déracialiser le pouvoir et la propriété au bénéfice des Africains, tel a donc toujours été le moteur des nationalismes anticoloniaux en Afrique australe. En dépit des compromis passés au moment de la transition des " pouvoir pâles " aux " pouvoirs nègres", l'idée d'un renversement radical des rapports coloniaux de pouvoir et des rapports de propriété a continué de hanter l'imaginaire politique de ces pays longtemps après les indépendances. C'est ce qui est arrivé au Zimbabwe lorsque, sur fonds de crise économique au début du XXIème siècle, l'ancien mouvement de libération a été obligé de faire face à une opposition interne et structurée. Afin d'étouffer cette opposition, le régime au pouvoir a alors fait main basse sur l'extraordinaire gisement symbolique qu'a toujours représenté, dans la société et la culture, le rêve de désacralisation de la propriété. En même temps, il a réactivé la ressource imaginaire que fut, au moment de la mobilisation anticoloniale, la lutte des races. Mais cette fois-ci, la race en question est composée à la fois des fermiers blancs et de l'opposition noire. Dans un bouillonnement brouillon qui n'avait rien de révolutionnaire, la lutte pour le maintien au pouvoir a été assimilée à la lutte anticoloniale. Sous le couvert d'une réforme foncière menée dans une brutale improvisation, il a confisqué des fermes appartenant à des zimbabwéens blancs avant de les transférer à ses affidés, à la manière d'un butin de guerre. Puis, faute d'armer purement et simplement tous ses partisans, il s'en est pris aux structures de l'économie dans le but d'instrumentaliser le désordre et le chaos.<o:p></o:p>

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    Il en a résulté une dégradation dramatique des conditions matérielles des populations et une paupérisation généralisée que les problèmes de ravitaillement, la dévaluation vertigineuse de la monnaie, le recours aux réquisitions et au contrôle des prix et des salaires n'ont fait qu'accélérer. La quasi-confiscation des élections ne constitue qu'un épisode de plus de ce long processus. Sortir de l'indigénisme Qu'il s'agisse de la colonisation ou de l'apartheid, l'expérience des " pouvoirs blancs " en Afrique a été désastreuse. Qu'il en ait été ainsi s'explique largement par le fait que ces pouvoirs étaient mus par la logique des races et l'esprit de violence qui en était le corollaire. Dans leur forme comme dans leur contenu, les nationalismes africains se sont malheureusement contentés de récupérer à leur profit et dans un geste purement mimétique et cette politique des races, et son esprit de violence. Au lieu d'embrasser la démocratie, ils ont mis cette logique et cet esprit au service d'un projet de perpétuation de leur propre pouvoir. C'est ce projet d'un pouvoir sans autre justification que lui-même qui, aujourd'hui, rencontre ses limites au Zimbabwe et ailleurs sur le Continent.<o:p></o:p>

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    Dans la crise au Zimbabwe se jouent par conséquent deux ou trois questions décisives pour l'avenir de l'Afrique. D'une part, si le rêve d'émancipation africaine n'a été que l'envers mimétique de la politique et de la violence de la race mise en branle par la colonisation, alors il est temps d'imaginer une sortie du nationalisme qui ouvre la voie à une conception afropolitaine et post-raciale de la citoyenneté, faute de quoi les Africains d'origine européenne n'ont aucun avenir en Afrique. D'autre part, les Africains d'origine européenne n'auront d'avenir en Afrique que si l'on procède effectivement à une déracialisation et une mutualisation de la propriété. Déracialiser la propriété ne signifie pas expropriation pure et simple des blancs, mais investissements multiformes en vue de la fructification de l'ensemble du capital humain disponible. Or, cette fructification de l'ensemble du capital humain disponible n'est guère possible dans un contexte de tyrannie. D'où l'inconditionnelle nécessité d'un véritable passage à la démocratie. Tel étant le cas, Mugabe - et tous les autres - doivent partir. Mais qui peut jurer aujourd'hui que leurs successeurs feront nécessairement mieux ?<o:p></o:p>

    Source : Quotidien Mutations<o:p></o:p>

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    Par Enoch Djondang - Article paru le 11 juin 2008 - Ialtchad Presse<o:p></o:p>

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    L’éditorialiste du pouvoir MPS M. Djonabaye Dieudonné dit Bendjo, ex-porte parole du journal N’Djaména Bi-hebdo et de <st1:personname w:st="on" productid="la Ligue Tchadienne">la Ligue Tchadienne</st1:personname> des Droits de l’Homme (LTDH), avait réalisé un reportage très intéressant diffusé à <st1:personname w:st="on" productid="la T←l←- Tchad">la Télé- Tchad</st1:personname> , avec des images d’époque montrant feu le président François N’garta Tombalbaye dans sa croisade contre le Soudan du général Djafar El-Nimayri en 1965. L’objectif  déclaré était d’établir un parallélisme quasi- absolu entre les déclarations et le combat « natio- naliste » de Tombalbaye d’avec celui du général Idriss Deby Itno (IDI) qui serait, selon le réalisateur, l’héritier spirituel du premier président.<o:p></o:p>


    Nous n’allons pas nous intéresser à cet aspect de la question ; nous saisissons la balle au bond pour faire plutôt une analyse historique sommaire, surtout à l’attention des jeunes tchadiens qui ne disposent d’aucun repère pour connaître la vraie histoire de leur pays.
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    A l’origine     
    Qu’est-ce qui avait amené Tombalbaye à s’attaquer au Soudan en 1965 ? Pour mieux le comprendre, il faut revenir au contexte de l’époque. Cette année-là, le premier mouvement armé contre le pouvoir central de Fort-Lamy venait de se créer au Soudan, en l’occurrence le FLT de Mahamat Ahmat Moussa
    . Un autre groupe, le FROLINAT (Front de libération nationale du Tchad), celui qui allait bouleverser le destin de ce pays, était en gestation et sera créé l’année suivante à Nyala, toujours au Soudan. Donc, à l’origine du conflit tchado soudanais, il y eu le rôle majeur du grand voisin dans la formation de la contestation armée contre un pouvoir X installé à N’Djaména. Le Soudan était sous la forte influence du régime nationaliste pan arabiste de Gamal Nasser en Egypte. L’idéologie dominante était la lutte contre l’impérialisme occidental qui chercherait à détruire l’identité culturelle et religieuse du monde arabo- musulman. Tous les mouvements de contestation armée qui verront le jour ici et là reprendront à leur compte cette idéologie comme base de leur programme politique. Les mouvements armés tchadiens ne seront pas du reste. C’était le prix du soutien des pays arabes !<o:p></o:p>

    Les causes     
    Ce que ne disait pas Tombalbaye, c’est sa propre responsabilité dans la tournure des évènements. En effet, Tombalbaye une fois au pouvoir à la faveur de l’Indépendance, se soucia plus de la conservation de son fauteuil et fit les mauvais choix politiques qui lui coûteront finalement la vie. En 1962, il imposa une révision constitutionnelle renforçant ses prérogatives et imposa le parti unique pour couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires, à l’époque presque tous originaires du « grand Nord » (Koulamallah, Abbo Nassour, etc.). La démocratie parlementaire fructueuse de 1946 fut abolie au profit de la dictature et du pouvoir personnel. Ce qui déboucha sur la première révolte populaire du 16 septembre 1963 à Fort-Lamy (Quartier Mardjane Daffeck et consorts) réprimée dans le sang par la toute jeune armée tchadienne encadrée par des officiers français.
    <o:p></o:p>

    Les soutiens extérieurs         
    Tombalbaye s’appuya sur le soutien de
    <st1:personname w:st="on" productid="la Fran￧afrique">la Françafrique</st1:personname> et de <st1:personname w:st="on" productid="la L←gion">la Légion</st1:personname> étrangère française pour nourrir son arrogance politique et son penchant pour l’exclusion. Ses opposants, qui ne pouvaient pas se renier en ralliant le parti unique PPT RDA, préférèrent jouer sur l’opportunité du soutien arabe via le Soudan, pour organiser leur réplique à cette dictature. La géopolitique régionale leur allait être favorable, car avec le boom pétrolier des années 70, les pays arabes allaient disposer de grands moyens de pression sur l’Occident pour imposer leur volonté hégémonique sur l’Afrique subsaharienne. Dès lors, nos deux grands voisins du Nord et de l’Est prendront de l’ascendance sur la quasi-totalité des élites dites « nordistes » du Tchad, devenant les parrains incontournables de leur marche progressive vers le pouvoir. Tombalbaye désabusé se retournera contre le Sud à qui il imposera, sous couvert d’initiation ‘Yondo’ chez les Saras d’une part et en lançant la périlleuse et brutale « opération 750000 tonnes de coton » au village de Kalgoua de l’autre, un climat insupportable d’oppression des fonctionnaires, de délation et d’incarcérations de dignitaires militaires soupçonnés de prendre conscience de l’état déliquescent du régime, (le mythe de ‘Moabaye planton au ministère du plan’). La trahison et la mort clôtureront son épopée politique.<o:p></o:p>

    Les premières illusions de victoire    
    Cependant, le FROLINAT ne connaîtra sa véritable apogée qu’après Tombalbaye. Pourquoi ? Parce que l’ancien président était un homme intelligent et rusé. Après avoir utilisé
    <st1:personname w:st="on" productid="la L←gion">la Légion</st1:personname> française pour affaiblir les foyers rebelles du Centre- Est entre 1968-1970 (Le fondateur Ibrahim Abatcha a été capturé, tué et décapité vers Am Timan, sa tête exposée au bâtiment de l’actuel Ministère des Relations Extérieures),  Tombalbaye se tourna brusquement vers les pays arabes, rompit avec Israël, libéra et réhabilita ses opposants « nordistes » devenus ses plus farouches partisans. Des transfuges du FROLINAT furent récompensés avec des postes sensibles dans l’appareil d’Etat. Tombalbaye s’allia les faveurs de certaines chefferies puissantes du grand Nord, tel que Iriba ou des tribus hostiles au FROLINAT en l’occurrence les arabes Missiriés de feu Acyl Ahmat, qui lui prêteront main forte jusqu’à sa chute et sa mort. Ces manœuvres mirent un temps en difficulté les groupes rebelles du FROLINAT.<o:p></o:p>

    Le tournant   
    Après avoir joué pour Tombalbaye, un personnage obscur allait marquer une rupture dans les plans machiavéliques de celui-ci. Il s’agit de Hissène Habré (HH). Initialement « infiltré », semble-t-il par Tombalbaye et les services secrets français dans la rébellion pour la contrôler de l’intérieur, HH allait vite trouver ses propres marques, ayant constaté le vide intellectuel et idéologique qui prévalait au sein de ladite rébellion. Favorablement accueilli par Goukouni Oueddeï et placé à la tête de la 2e armée basée au Tibesti, HH allait organiser le rapt des européens dont Mme Françoise Claustre en 1972 à Bardaï. La rébellion du FROLINAT allait bénéficier durablement du coup médiatique de cette affaire « terroriste » de prise d’otage. Tombalbaye échouera aux portes de Bardaï. Sa volte-face anti-française (opération authenticité, campagne contre « Dopelé » Foccart
    ) lui coûtera la vie des mains des membres de sa propre armée et non pas du FROLINAT son ennemi juré !<o:p></o:p>

    L’incompétence des successeurs      
    Arrive au pouvoir, le 13 avril 1975, le Conseil Supérieur Militaire (CSM), pratiquement le régime le plus médiocre qu’a connu le pays. Les officiers de Tombalbaye, mal préparé à la gestion du pays et manquant de culture politique, allaient précipiter l’Etat dans la déchéance irrésistible. Le général Félix Malloum, chef de l’Etat, se trouva bien seul à croire en sa « politique de réconciliation nationale » avec la rébellion du FROLINAT, la fameuse politique de « la main tendue ». Dans son entourage militaire, deux tendances opposées : les partisans de la force autour de Kamougué d’un côté et de l’autre ceux de la neutralité de l’armée avec feu général Djogo. Très vite, les incohérences des militaires donnèrent le change aux deux grands groupes du FROLINAT issus de la scission
    de 1976 entre HH (CCFAN) et Goukouni Oueddeï (FAP) de se réorganiser, de s’équiper d’armements modernes et de menacer directement la capitale N’Djaména. La spécificité arabe blanche vaudra la création du Conseil Démocratique et Révolutionnaire (CDR) de Acyl Ahmat, souvent considéré à tort ou à raison comme la marque de l’invasion arabe et islamiste sur le Tchad.<o:p></o:p>

    La fin d’un système de gouvernance 
    Avec la chute de la prestigieuse garnison de Faya Largeau en février 1978, la plupart des cadres civils et militaires « nordistes » furent convaincus que le pouvoir « sudiste » vacillant de Malloum ne se relèverait plus jamais et que la route de N’Djaména était désormais ouverte. C’est alors qu’interviendra la lutte des tendances dites « politico-militaires » pour la conquête du pouvoir par les armes dans le jeu politique tchadien. Le premier qui s’installe aux bords du Chari devra s’imposer aux autres, telle sera jusqu’à ce jour la règle cynique de l’alternance, après le coup de force institutionnel fait par Tombalbaye ! La défaite de Faya Largeau, qui démontra l’irresponsabilité des membres du CSM accrochés aux délices du pouvoir à N’Djaména, causera le basculement de la grande majorité des « sudistes » dans la tendance radicale « anti-nordiste FROLINAT », civils et militaires compris. Désormais, le mot d’ordre politique des « sudistes » sera jusqu’à ce jour « 
    <st1:personname w:st="on" productid="La Survie">La Survie</st1:personname>  » à tout prix. Sans entrer dans trop de détails connus ou volontairement occultés, on retiendra simplement qu’après avoir perdu pied à N’Djaména (le pouvoir central), les « sudistes » tenteront l’expérience de l’autonomie dans un premier temps avec Kamougué sous le Comité permanent pendant 3 années au Sud (« Zone méridionale »). Cette expérience finira en queue de scorpion à cause des divergences inter-sudistes ravivées : une partie de l’ex-armée nationale tombée dans le piège de la défense du « terroir d’origine » de la majorité des soldats « sudistes » et devenue simple tendance, se rallia à HH et mis fin à l’aventure du Comité permanent.  <o:p></o:p>

    Cependant, la propension à la résistance « sudiste » ressuscitera une première fois sous HH avec les groupes Codos, sans réussir l’unité idéologique des « sudistes ». Puis, sous le régime actuel avec les groupes de Ketté Moïse et Laoukein Bardé, disparus. Il parait évident que les « sudistes » ont bien abandonné l’option de la lutte armée qui ne leur a pas réussi, en comparaison avec les mécontents du grand Nord. Aujourd’hui, certains « sudistes » attendraient comme des sujets hébétés l’avènement d’un Tchad unitaire, laïc, républicain (égalité des citoyens) et démocratique (Accord du 13 août 08 ?), qu’ils croient que d’autres, confusément « les rebelles », « les français » ou autres qui prennent des risques, accepteraient de le leur gratifier généreusement ?<o:p></o:p>

    Le nœud du problème           
    La grande leçon à tirer du règne chaotique du CSM étant que la résolution du problème tchadien dépend du contenu qu’on lui donne et de la capacité des hommes à s’assumer. Le CSM a perdu pour avoir marginalisé les forces vives du Nord, les cercles d’influences ethniques et religieuses, le recrutement et le bon traitement des « nordistes » dans l’armée. Malgré la valeur militaire incontestable et la bravoure de nombre d’officiers et soldats « sudistes » de l’époque, ils seront pris au piège dans une guerre qui n’était plus celle d’une armée nationale mais des fractions tribales, régionales, religieuses. Ils ne pouvaient plus tenir sur un terrain hostile avec des populations réclamant leur départ et ne reconnaissant plus le pouvoir vacillant qu’ils défendaient. Aux « sudistes » d’en faire le bilan aujourd’hui !
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    Le recours     
    Pour revenir au Soudan, ce pays continuera à jouer un rôle grandissant dans le placement des chefs de guerre à la tête du Tchad, en l’absence d’une vision commune de l’Etat et de la république défendue par nos élites. Le Soudan n’est que le cheval de Troie d’un faisceau de puissances étrangères qui décident du sort des tchadiens restés immatures politiquement. Ce sont toujours des tchadiens qui vont, comme en 1965, demander l’aide soudanaise pour venir détruire leur pays, en tentant de s’emparer du pouvoir. Au contraire d’un autre voisin puissant du Nord qui avait un véritable conflit frontalier avec le Tchad, le Soudan attend patiemment d’être sollicité sans se fatiguer. A qui la faute ?
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    Leçons
    Il est de la responsabilité des compatriotes qui ont souvent flirté avec le Soudan depuis ces lointaines années, de faire le bilan de leurs gains, par rapport à tout ce que le pays a perdu et continue de perdre encore à cause d’eux. La vision rétrograde de l’Etat butin de guerre et vache à lait, la stratification de la société selon une logique pro esclavagiste, la violence qui fonde le droit et la tribu qui doit dominer sur l’Etat, qu’est-ce qu’ils ont apporté de « révolutionnaire » et qui pourrait être retenu comme tel tant par les tchadiens avertis que par les historiens ? Personne n’assumera cette responsabilité à leur place devant l’Histoire. Il est vrai que les luttes dites de « libération nationale » en Afrique et ailleurs se sont appuyé sur le soutien transfrontalier pour gagner. Cependant il n’y pas d’exemples, à notre connaissance, aboutissant à l’aliénation de l’identité et de la souveraineté d’un pays, comme ce fut le cas chez nous.   

    En résumé, l’héritage politique de Tombalbaye n’est pas étranger aux tentations qui détournent l’esprit des pseudo révolutionnaires une fois au pouvoir. Un, que se serait-il passé si Tombalbaye n’avait pas changé la florissante démocratie parlementaire des années 46-60 par le système de la pensée unique et le culte de la personnalité pour assouvir sa soif de pouvoir personnel ? Deux, voyons un seul instant la liste des évènements lugubres de notre sombre passé qui n’auraient peut-être pas eu lieu : révolte et répression urbaine du 16 septembre 1963, disparition des hommes politiques tels que Jean Baptiste, Silas Sélengar et d’autres en prison sous la torture (prémices de <st1:personname w:st="on" productid="la DDS">la DDS</st1:personname> ), révolte de Mangalmé 1965, coup d’Etat militaire du 13 avril 1975, etc., etc. Trois, y aurait-il eu le phénomène de la rébellion armée et de tous les cauchemars qu’il ne cesse d’infliger aux tchadiens ? Quatre, Tombalbaye aurait-il été tué par sa propre armée fatiguée de poursuivre un « ennemi intérieur » perpétuellement reconvertible ?    <o:p></o:p>

    Gains et pertes          
    Tombalbaye avait bien géré la république, avec un petit budget d’une dizaine de milliards CFA, une gendarmerie de 1500 hommes mal équipés mais formés, disciplinés et déterminés, une administration territoriale tenue avec prudence par des cadres dont le niveau dépassait rarement le Bac mais qui se souciaient de
    <st1:personname w:st="on" productid="la Loi">la Loi</st1:personname> , etc. Ce qui l’a perdu, c’est son obstruction à la démocratie qui l’avait pourtant amené au pouvoir, la soif du pouvoir personnel, éternel. La majorité des Saras Madjingaye n’avaient pas connu physiquement Tombalbaye durant son règne, mais eux et les autres « sudistes » paieront chèrement et injustement pour lui jusqu’à ce jour, même les faits imaginaires inventés pour recruter et motiver plus de combattants contre son régime !<o:p></o:p>

    Erreurs fatales          
    Tombalbaye a voulu torpiller la règle du suffrage universel et du pluralisme démocratique, dans un pays complexe, pour être toujours « l’homme providentiel » ou « l’ombre du manguier » selon des griots de l’époque. Tous ses efforts et ses succès éphémères ont favorisé sa déchéance dans la folie du pouvoir, sa chute et sa mort violente. Son ami El Hadj Ahidjo du Cameroun fut plus sage en partant à temps : son pays tient encore debout et continue d’attirer les responsables tchadiens qui veulent « décompresser » le week-end !
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    Conséquences
    En plus du conflit graduel Nord-Sud, Tombalbaye avait laissé faire son entourage tribalisé qu’il voulait transformer en cour royale haïtienne. Résultats : en 1978, au plus fort de la débâcle de l’armée majoritaire « sudiste » au grand Nord, des émeutes éclatèrent au Mayo Kebbi, contre l’hégémonie politique des Saras, les supposés « parents » naturels de Tombalbaye. Cette blessure sud-sud continue encore à entretenir des rancunes entre « sudistes » à l’esprit primitif, se traduisant par des coups bas et des incompréhensions systématiques à tout bout de chemin, pour leur grand malheur ! Si les élites du grand Nord seraient en train de vivre tragiquement le revers de la médaille du FROLINAT, leurs compatriotes « sudistes » ont baissé les bras depuis longtemps. Les leaders publiques « sudistes » sont restés handicapés par leur réflexe unique de survie et l’indifférence quasi volontaire envers la situation chaotique généralisée dans le grand Nord, telle une cynique revanche. Comme si personne ne devrait franchir le vrai faux mûr Nord-Sud qui est déjà pourtant tombé de lui-même, faute d’arguments, sous le coup des évènements contradictoires !

    Le chant du cygne     
    Si aujourd’hui la classe politique crie à l’unisson que la solution passe par la mise en œuvre de l’Accord du 13 août 08, a-t-elle tiré les bonnes leçons depuis Tombalbaye, quand on sait que les leaders de cette époque s’accrochent encore au perchoir sans rien apporter de nouveau ? Qui est réellement pour le triomphe du suffrage universel : un bulletin = une voix = un (e) citoyen ayant réellement qualité pour voter ? Qui est prêt à abandonner les armes, par amour pour son pays et à se plier aux règles communes dans tous les domaines? Pourquoi depuis plus de vingt ans, en matière pénale et criminelle, on consacre deux catégories de tchadiens irréconciliables : d’un côté les gens de la dia au-delà du 16e parallèle et de l’autre l’écrasante majorité des ethnies préférant l’entente et la conciliation entre elles ? Quand un jour le pouvoir inévitablement changerait de pôle socio idéologique, quelle sera la coutume qui sera imposée ? etc.
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    Et demain ?
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    Quand on sait ce qui se passe au Darfour, après avoir été pratiqué plus de 2O ans dans le Sud Soudan, quand on se réfère aux modes préconisés par ceux qui préfèrent le chemin de Rabah pour arriver au pouvoir et s’y maintenir en pratiquant la cruauté légendaire de ce dernier, on est encore loin de trouver une élite affranchie pour écourter les maux et fléaux importés au pays des Sao et de Toumaï. L’Harmattan souffle toute l’année du Nord-Est au Sud-Ouest et assèche tout sur son passage. Quand les Toyota ayant remplacé les chevaux de Rabah s’en mêlent, petit à petit, le Tchad devient un gigantesque désert, avec comme décor les champs de combats fratricides, une nature dégradée et des populations cannibalisées qui s’entredévorent ça et là loin de ce qui pourrait leur apporter réellement la paix et un peu de repos sur cette terre !… Tombalbaye avait-il pensé à tout cela ?
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    Enoch DJONDANG<o:p></o:p>

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